J’ai découvert Nadav Lapid avec son premier long-métrage : Le Policier. Je l’ai ensuite adoré avec L’Institutrice, film qui m’a bouleversée par sa mise en scène et son propos. Quand j’ai appris que son nouveau film se déroulait à Paris et que Quentin Dolmaire (découvert dans Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin) y tenait un rôle, mes attentes étaient immenses. Synonymes les a bien plus que comblées.
Yoav, un jeune israélien, débarque à Paris, avec l’espoir que La France le sauvera de son propre pays. Il se lie d’amitié avec un jeune couple bourgeois, Emile et Caroline, qui va l’aider dans son errance et sa quête.
Synonymes c’est d’abord une mise en scène d’une liberté totale, en osmose parfaite avec son protagoniste, baladant chaque fois le spectateur vers une scène à laquelle il ne s’attend jamais. Cette sensation d’errance de spectateur est un parfait écho de ce que vit Yoav.
Synonymes c’est ensuite la découverte d’un jeune acteur lui aussi d’une liberté totale et en osmose parfaite avec le protagoniste (il s’est préparé au rôle en vivant comme son personnage). Son charisme est brutal et reste en mémoire longtemps après la vision du film. Il dégage une charge sexuelle rare. Il permet au film de devenir un chef d’oeuvre. J’ai extrêmement hâte de le voir dans un nouveau rôle.
Synonymes c’est encore la continuité de l’oeuvre globale du cinéaste, poursuivie par des patterns de virilité déjà aperçus notamment dans Le Policier et par l’usage des prénoms de personnages de précédents films (Yoav était déjà l’israélien de son premier moyen-métrage La Petite amie d’Emile, et l’enfant poète de L’Institutrice ; Emile était déjà l’ami français de Yoav dans La Petite amie d’Emile).
Synonymes c’est enfin une vision fascinante de l’Etat d’Israël, celui qui n’a pas de droit de perdre sous peine de disparaître et à qui Yoav oppose le héros grec de la mythologie Hector, comme une soupape de décompression. Elle est complétée par un personnage secondaire, Yaron. Le décalage entre ces deux personnages fait l’objet de quelques scènes très drôles.
Synonymes c’est en substance un film singulier qui m’a donné beaucoup de plaisir car tout en surprise, dense de sens et de sensations inattendues. Il mérite amplement son Ours d’or, reçu au dernier festival de Berlin.
4.5 / 5