Take Shelter

Je vais être avec vous d’une honnêteté qui vous servira plus tard à propos de Take Shelter. Soyez-en convaincus : même s’il fait moins de deux heures, ce film est très lent.

Oui, on vous a sûrement déjà dit l’essentiel sur Take Shelter et notamment la performance d’acteur de Michael Shannon, apprécié dans la série Boardwalk Empire (dont un autre acteur — Shea Whigham — partage l’affiche) et qui n’est pas à renier. Un peu comme Fassbender dans Shame, Shannon trouve ici le rôle dramatique qui le marquera à jamais. Celui de Curtis LaForche, bon employé d’une société de travaux de construction, qui devient peu à peu hanté par des visions apocalyptiques : un orage catastrophique annonciateur de tornades qui dévasteront tout.

Le problème évidemment, c’est que ses visions et son obsession à renforcer son abri anti-tornades vont finir par nuire à sa vie de famille comme professionnelle. Et le cas de Curtis devient de moins en moins solutionnable aux yeux du spectateur lorsque l’on apprend que la mère de Curtis a été diagnostiquée comme atteinte de schizophrénie quand elle avait 30 ans (Curtis, lui, en a 35). Maladie héréditaire, Take Shelter laisse très peu de doute possible pour expliquer l’état du héros.

Et puis il y a cette fin, ouverte, qui fait débat. Certains la trouvent décevante, d’autres y voient le « twist » qui sublime le film. Elle ne laisse pas indifférente et questionne à nouveau sur Curtis. Mais pour arriver à cela, je vous le redis : Take Shelter est très lent.

CRITIQUE DE MG

TAKE SHELTER est de ces films qui font une sensation en festival, dans une tournée plutôt encourageante pour la suite. Espérons au vu du résultat final pour ce deuxième long métrage de Jeff Nichols (Shotgun Stories, avec aussi Michael Shannon), un film inspiré, mélancholique à souhait et paranoïaque à tous les points. Le premier bon film de 2012.

Sorte de SHINING aérien, TAKE SHELTER s’intéresse à un noble père de famille bon sous tous rapports, qu’une vague de cauchemars plus vrais que nature entraîne dans un délire soudain où il entre aperçoit la fin du monde sous la forme d’un terrible orage. Face à sa famille atterrée mais solidaire (Chastain en mère courage, sublime), Curtis se décompose lentement mais sûrement, conscient de sa propre décrépitude mais isolé face à celle-ci et sa chute. Nichols filme l’homme face aux éléments, la nature déchaînée laissée hors cadre mais présente à chaque instant, et la société alentours ne le comprenant pas. Car déterminé à sauver sa famille, Curtis réhabilite l’abri familial (le shelter du titre), quitte à y mettre toutes ses économies et son temps. Angoissant et pernicieux, TAKE SHELTER atteint là où ne l’attend pas, sorte de thriller paranoïaque nauséeux comme du Kubrick pour une caméra filmant libérée de toute étreinte, les images virevoltants comme le dernier Malick.

Oui, on peut le citer à cette hauteur, et pour autant TAKE SHELTER n’est pas dénué de défauts (ses aînés non plus, certes). Si l’impression d’étouffements n’avait pas été aussi prégnante depuis longtemps, et c’est là le tour de force du film. Quelque peu répétitif sur son fonctionnement, et essentiellement focalisé sur son personnage principal (au détriment peut être de sa famille, laissée au second plan), ce deuxième film est une brillante réussite pour quiconque souhaiterait observer la folie humaine et la frontière mince qui la sépare de la vérité. Un huis clos en plein air tortueux et poisseux jusqu’au dénouement, qui vaut le coup de se laisser voir sur grand écran.

3.5 / 5
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