Écrit et Réalisé par Alejandro Fernandez Almendras. Avec Daniel Antivilo, Daniel Candia, Ariel Mateluna, Alejandra Yanez, Jennifer Salas. 100 minutes. Chili. Sortie française le 1er Octobre 2014.
<< Jorge est un homme honnête qui travaille dur pour faire vivre sa famille. Une nuit, il se fait insulter par une bande de jeunes gens, menée par un ancien délinquant du quartier. Son fils se fait à son tour agresser. La crainte et l’angoisse envahissent peu à peu la famille dont le quotidien devient infernal. >>
Il n’est jamais évident de reprendre « une histoire vraie », surtout quand on sait que le genre est devenu assez mal vu. Notamment par sa facilité dans l’adaptation scénaristique. Ici, Alejandro Fernandez Almendras ne fait pas exception : il prend la peine de recopier noir sur blanc les faits réels. Ainsi, il n’a pas à se soucier de créer un univers, ni de déterminer les comportements de ses personnages. On ne peut pas parler de contrôle total sur les personnages, puisque ils sont déjà conditionnés à « l’histoire vraie ». Ainsi, Almendras se doit de suivre bêtement le scénario, à la prise de risque quasi nulle et aux surprises absentes.
Le film se déroule tout seul sous nos yeux, sans que l’on puisse participer à une quelconque décision. L’intrigue ne donne jamais matière à réflexion, puisque la ligne directrice est tracée depuis le début. Le film, dans sa politique de peindre une société malade, traite de façon simpliste ses personnages. Nous avons le droit au grand méchant Kalule, qui harcèle le gentil et timide Jorge, père de famille. Le problème avec ces portraits faciles, c’est qu’il n’y a aucune possibilité d’évolution ou même de développement. Almendras ne permet pas à ses personnages de progresser dans le récit. Ils subissent une stagnation vis-à-vis du propos. Aucune empathie n’est possible, car les personnages n’évoluent pas comme l’intrigue le fait.
Plus on avance dans les problèmes du personnage Jorge, plus on se questionne sur lui. Almendras ne creuse jamais l’intérieur de son personnage. L’acteur principal semble avoir eu la directive d’être constamment recroquevillé sur lui-même. Comme si le personnage restera une éternelle victime « gentille » de la société, mais dont la volonté de rébellion met du temps à chauffer. Nous avons ainsi une mise en scène sans âme, où le recyclage du genre et la retranscription forment des codes déjà établis, empêchant tout profondeur dans les relations entre les personnages.
Cette mise en scène s’accompagne d’une méthode de cadrage assez particulière. Puisque, dans la non progression et le non développement des personnages (à croire que le cinéaste le sait), Almendras utilise beaucoup de plans rapprochés. La caméra donne l’impression d’être radicale dans son approche, notamment quand il s’agit de gros plans sur le désespoir ou la rage d’un personnage. Il y a de nombreux plans aussi racoleurs dans le film, et ça casse toute intention envers les personnages. Malgré cela, le film contient tout de même de beaux plans. Exemple du presque viol, où le plan séquence laisse fondre le choc de la situation parmi la compassion pour la victime. Exemple aussi de Jorge qui s’injecte un produit via une aiguille, en plein milieu d’un bois. Caméra fixe, face au personnage : la froideur du plan fixe vient renforcer la douleur du personnage.
Mais voilà, ça n’empêchera pas Almendras d’avoir un découpage trop haché. Dans son montage, le cinéaste n’a pas pris la peine de jouer entre le cadrage radical et les espaces. Il avait la grande possibilité de jouer avec la noirceur des espaces, du moins de le faire plus souvent comme il l’a fait lors du kidnapping de Kalule. Sauf que Almendras a préféré un montage brut : avec des cuts surprenants et vains, de trop nombreux plans fixes froids (et parfois sans grande saveur ou utilité), une bande sonore elle aussi recyclée, … Le film a un rythme transparent, qui trouve son intangibilité dans le montage effectué. Avec un montage aussi brut, le film ne peut se rythmer avec les plans (et encore moins avec la mise en scène sans âme).
2 / 5