Scénario et Réalisation de Hong Sangsoo
Avec Jae-yeong Jeong, Min-hie Kim, Yoon Yeo-jeong, Ju-bong Gi, Hwa-jeong Choi, Yoo Joon-sang, Seo Young-Hwa
Corée du Sud
120 minutes
Sortie le 17 Février 2016
Hong Sangsoo, l’autre cinéaste à la moyenne d’un film par an, revient avec ce nouveau conte romantique. Il s’agit d’un cinéaste, Ham Chun-su, qui arrive avec un jour d’avance à Suwon et a du temps à tuer avant la projection avec débat du lendemain. S’arrêtant devant un vieux palais restauré, il fait la connaissance d’une artiste nommée Yoon Hee-jung qui lui présente ses tableaux. Ils passent du temps ensemble à visiter son atelier, autour d’un dîner de sushis arrosé de soju, puis à boire avec des amies de Hee-jung et finissent par se rapprocher de plus en plus… Un conte qui se concentre sur le temps que les deux protagonistes vont passer ensemble, parce que ces instants sont les plus beaux émotionnellement, et dans le cinéma de HSS, cela amène toujours beaucoup de sensations uniques pour les personnages.
Une partie de cela est dû à la figure de l’artiste chez HSS, qui revient très souvent dans ses films. Ces personnages permettent de créer l’émerveillement nécessaire dans l’histoire d’amour contée. Cet enchantement justifie l’apparition de la passion d’un être pour un autre, mais surtout l’obsession qui se forge entre eux. Comme avec ses longs-métrages précédents, les personnages amoureux ne peuvent se quitter, ils ont besoin l’un de l’autre. Le ravissement est constant, il est la source évidente de la folie des personnages. Parce qu’avec l’émerveillement, les protagonistes de HSS ont des attitudes différentes, ils deviennent plus spontanés et plus motivés.
Pourtant, HSS surprend encore une fois : il divise son film en deux parties, mais pas si distinctes qu’on pourrait le croire. Il s’agit d’un retour dans les lieux filmés dans la première moitié (le long-métrage est divisé en deux parties d’une heure chacune, comme deux films qui communiquent). Ce retour n’est pourtant pas banal, car HSS a l’intelligence de ne pas les filmer de la même de manière : les angles de vue diffèrent et le temps qu’il y passe également. Cependant, il ne filme pas exactement les mêmes espaces, il préfère explorer ceux qui composent les ellipses de la première partie. Comme une variation ironique, entre banalités et intimité, où les mêmes lieux créent une autre histoire sans pour autant être réellement identiques.
Le seul élément qui lie chaque espace entre la première et la seconde partie, c’est le fantasme de la rencontre. C’est grâce à cet instant inattendu que tout va prendre forme : de l’absurdité de la rencontre, va naître une poésie constante de la relation. Cette rencontre est comme la drogue des protagonistes, c’est ce qu’ils ne peuvent pas arrêter de renouveler. Chaque nouveau rendez-vous est telle une nouvelle rencontre. C’est ce qui fait la poésie du film : tout instant entre les protagonistes relève d’un rêve, d’une douce caresse ou d’une isolation du monde réel. Quand la demoiselle s’apprête à rentrer chez sa mère, elle se cache dans une ruelle à quelques pas avec son compagnon, pour vivre un dernier instant de romance avant de retourner à la dure réalité de la maison familiale.
Dans les deux parties, dans ces situations différentes évoquées, il y a un autre point commun. Qui n’est pas étranger au fantasme de la rencontre. Parce qu’il y a la rêverie du conte romantique, il y a donc forcément le malaise de la sincérité. Il se remarque dans les deux parties, bien que davantage dans la seconde. HSS prend soin, avec sa mise en scène toujours aussi soignée et rigoureuse, de montrer que les instants de fantasme sont l’enrobage d’un noyau assez pénible à découvrir. Il s’agit de la vraie nature de l’être humain, de son individualité et son caractère bien personnel, qui vient quelque peu perturber l’émerveillement du conte romantique. Entre absurdité et excentricité quelques fois, mais surtout dans quelques comportements qui font stagner la relation.
Autour de tout ceci, HSS garde le même principe pour filmer ses personnages. Tel un tableau pictural qui met en avant le côté émerveillé, avec les variations des espaces, mais toujours dans une même épuration qu’on lui connaît. Cette modestie du cadre prouve sa générosité envers les personnages, pour les laisser autonome, juste en les accompagnant dans leurs situations. Ainsi, HSS utilise beaucoup de plans séquences, et laisse l’interprétation des comédiens faire le principal. Davantage un cinéaste de la mise en scène que de la caméra, mais tout de même, les deux sont complémentaires pour dresser un portrait pictural d’un conte romantique.
4 / 5