The Voices

Réalisé par Marjane Satrapi. Écrit par Michael R. Perry. Avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick, Jacki Weaver, Ella Smith. États-Unis. 105 minutes. Sortie française le 11 Mars 2015.

Voici venu le retour de Marjane Satrapi. Après l’indispensable PERSEPOLIS, le très mitigé POULET AUX PRUNES et un autre long-métrage passé incognito, la cinéaste revient avec une comédie horrifique. Ce qui est surprenant, c’est de voir Ryan Reynolds porter la tête d’affiche d’un tel film. Beaucoup de ses prestations lui sont reprochées, pas souvent à tort, mais l’acteur tient certainement ici son billet retour pour de beaux projets futurs. Comme si l’acteur venait de se révéler à nous, après un très intéressant CAPTIVES (où il était également très bon). Dans sa performance, il incarne un mélange de bisounours tendre et un dangereux troublé. Tout le film de Satrapi tournera autour de cette idée : prise de recul avec la tragédie, pour insérer dans l’angoisse une dose d’absurdité.

L’absurdité se traduit par des dosages ironiques vis-à-vis du genre horrifique. Au-delà des voix imaginaires des animaux, c’est l’univers bisounours du protagoniste qui prime dans le ton du film. Chaque geste et attitude relevant de l’angoisse a une cause et une conséquence situées dans l’absurdité. Comme donner des céréales à une tête coupée, ou quand une farandole s’installe dans les couloirs d’une entreprise. L’absurdité se caractérise également dans le texte. Là où le non-sens prend de l’ampleur, par rapport à l’agencement des séquences d’angoisse. Mais on retiendra également un grand manque de folie. L’absurdité ne ressort que par des petites touches de surface, pour édulcorer l’angoisse. De ce fait, le film n’est pas assez déjanté, loufoque pour vraiment faire rire. Dans sa direction d’acteurs, la cinéaste ne relâche pas assez les fils qui se tendent avec l’angoisse.

Dans sa mise en scène, Marjane Satrapi a des idées de surréalisme. Evidemment, le principe des voix imaginaires aide beaucoup. Mais toute la paranoïa et le désarroi qui se dégagent du protagoniste en font la part belle. Quand Reynols est assis dans sa salle de bain, et que le cinéaste cadre sur ses pieds en détresse, il y a ici toute la dimension fantastique de l’angoisse. En fait, le film va davantage s’appuyer sur ce côté surréaliste, où tout devient objet à ironie et grotesque, que sur sa volonté d’angoisse. En effet, le film ne fait pas vraiment peur, il n’est pas si angoissant qu’il veut le paraitre. Marjane Satrapi joue surtout sur une idée de cartoon macabre. Donc les scènes faites pour l’angoisse ne sont traitées qu’en surface.

Dans son ambiance, bien que le film se développe sur une surface répétitive, il y a l’envie de garder un esprit digne des BD. Quand je parlais de cartoon précédemment, c’est ainsi que la cinéaste voit son récit. Comme une grande farce perpétuelle qui se veut être l’échappatoire des idées glauqes du récit. Le problème du film, c’est que cet esprit se ressent dans la mise en scène, quelque peu dans le texte. Mais jamais dans l’esthétique. Le film contient une esthétique totalement désincarnée. J’entends par là que l’esthétique n’est pas au service de la mise en scène, mais uniquement au service d’ambiances partielles. L’esthétique s’adapte aux situations du protagoniste (rencard dans un bar éclairé aux petites lampes, petite lumière et grande noirceur lors d’un meurtre, rose bonbon pour les déplacements du bisounours chantonnant, etc…

Ajoutez à cela une forme trop timide pour marquer. Ce qui est très surprenant dans ce film, c’est que le surréalisme et l’ambiance type BD ne se retrouvent pas dans un découpage plus subtil. On remarque rapidement la mention « film de commande », où le conventionnel de la forme vient prendre place. Le découpage et le montage manquent cruellement d’inspirations. Déjà, il y a un rythme trop lisse : une fois que le ton est donné, le film se décroche jamais de son fil et joue sur la répétition. De plus, la caméra ne joue que sur l’effet de témoin d’une situation, sans apporter une quelconque note supplémentaire dans l’approche. Les plans comptent surtout sur les performances des acteurs et la mise en scène pour sauver l’approche. Dommage, car un point de vue autre que l’échappatoire aurait été appréciable.

2.5 / 5