Booba disait, ‘Si tu me tends la main, tends moi celle de Maradona’. Entre footballeurs qui écoutent du rap et rappeurs assidus de la Champions League, le rapprochement est explicite entre la sphère du foot et celle du rap.
Amitiés urbaines
Rap et foot sont intimement liés, et la première raison c’est la provenance sociale. De nombreux rappeurs et footballeurs français ont connu les mêmes cités, ont été confrontés aux mêmes galères, et ont des références communes. Forcément, ça rapproche. Ces footeux se sentent représentés par ces rappeurs, et inversement, d’où une forme de solidarité commune. Nombre d’entre eux affichent leur amitié sur les réseaux sociaux (Booba/Benzema, Gradur/Dembélé) ou même en collaborant (Benjamin Mendy a chanté pour Jul). Les dédicaces communes entre les deux sphères sont nombreuses : Niska écrit un titre en l’honneur de Matuidi, celui-ci lui danse comme un charo pour célébrer ses buts.
La proximité va même jusqu’à l’admiration mutuelle : les rappeurs ont rêvé et rêvent d’être footballeurs tout comme les footballeurs fan de rap s’imaginent en rappeurs. Assister à l’arrivée des joueurs de l’équipe de France à Clairefontaine c’est être au premier rang d’un défilé de l’urban fashion week. Jul dans ses clips ressemble davantage à un footballeur (à la retraite) plutôt qu’à un artiste hip hop.
L’influence de la culture rap s’étend-elle jusqu’au jeu ?
Possible. Si le foot est vu comme un spectacle où l’esthétique – comme la punchline – prime sur l’efficacité, alors on comprend pourquoi certains joueurs forcent le geste technique pour être reconnus par les suiveurs underground du foot. ‘Un bon petit pont c’est mieux qu’un dribble tout pourri’ pour Eden Hazard (Paul Pogba, Hatem Ben Arfa ou Ricardo Quaresma ne nous diront pas le contraire). Avec des réseaux sociaux toujours plus présents et de nombreuses dédicaces dans les sons, le rap tend à inciter les joueurs à faire le geste technique de trop au détriment d’un bon pointu. On rejoint finalement l’une des questions les plus anciennes de l’histoire du foot.
« J’avais une maison au bord de la mer. Mais pour aller à la plage, il fallait passer devant un bar. Je n’ai jamais vu la mer. »
Georges Best était un attaquant légendaire de Manchester United. S’il n’a jamais vu la mer, sa notoriété était telle qu’on le surnommait le 5ème Beatles. Il n’y a pas que le rap qui influence le foot : dans le nord de l’Angleterre, le rock et le foot, c’est pareil. Le foot a été créé en Angleterre, et il s’est très tôt infiltré dans les couches populaires de façon bien plus profonde qu’en France. Forcément, avec 14 clubs pros à Londres, ça change tout. Le développement de la culture club jusque dans les petits villages est à la base d’un attachement populaire qui n’est pas comparable avec ce qu’on a en France. Le truc, c’est que les rockeurs sont aussi des supporters de foot et le crient haut et fort.
Oasis, fans inconditionnellement assumés de Manchester City; un album entier écrit et composé pour Eric Cantona; un groupe anglais qui s’appelle Saint Etienne; Elton John qui rachète le club de Watford et l’amène en première division. Les exemples sont nombreux et les liens tissés. Au delà d’une influence culturelle, le rock a contribué à construire les rivalités du foot anglais.
Foot et rap : une portée commune
Dans les deux cas, rock ou rap, ce qui compte c’est la portée sociale de la musique. Le rap et le rock font partie d’un background culturel et social qui représente – avec le foot – un ascenseur social. Karim Benzema est plus qu’un joueur de foot, c’est l’incarnation d’un rejet d’une partie de la société par une population qui s’identifie à sa réussite et son destin. Si on parle d’exemplarité du joueur de foot, c’est qu’ils ont un rôle de représentant et d’exemple.
La proximité foot/rap est souvent associée un tas de clichés sur la banlieue et sur le rap, mais la nier est une erreur pour comprendre ce que représente le foot en France.