Empathie

Encore une fois, n’oublions pas que le documentaire est aussi du Cinéma, qu’il ne faut pas le confondre le reportage. Quand bien même EMPATHIE soit une commande, le film consiste uniquement à assembler des morceaux pour constituer une enquête. Entre idéologies, concepts, confrontation des modes de consommation, descriptions, schématisations, le documentaire n’a de cesse de jouer explicitement la carte de la pédagogie. C’est là que le film d’Ed Antoja est à la fois perturbant et utile, parce qu’il consiste à créer une prise de conscience par la parole et les images, mais aussi à donner des leçons qui manquent d’interrogations. Surtout lorsqu’une réplique statue clairement « les végétariens se sentent plus concernés par la mort que par la souffrance pendant la vie ». Il y a tellement de bêtise dans cette affirmation, qu’il ne vaut mieux pas s’y attarder. Le geste est très louable, le discours est extrêmement important, la construction comme un chemin qui ouvre de nombreuses portes est intéressant. Cependant, il y a une part d’agressivité dans le geste et le discours.

EMPATHIE est remplit de ce type de geste. Alors que Ed Antoja se filme lui-même en pleine transition d’omnivore à vegan, filmant le chemin de son changement de mode de consommation, il ne fait jamais de son enquête un processus intime. Ses propres interrogations et ses doutes sont purement anecdotiques dans le film, car son montage passe davantage de temps à alimenter un point de vue pédagogique sur la souffrance animale et sur le mode de consommation vegan. Le documentaire manque cruellement de nuances, tant les vegans et l’association FAADA sont présentés comme les seules personnes qu’il faut écouter (et croire). Comme si les relations (personnes vegans) que se crée le cinéaste s’imposait à sa vie et à l’image du film. Ed Antoja remet uniquement en question son propre mode de consommation, mais ne remet rien d’autre en question. Tout ce qui est montré est une leçon à donner à toute personne voyant le documentaire, comme si le film servait à présenter 100 raisons & preuves que consommer des animaux est mal. Le seul dialogue est lors d’une scène de dîner, avec des amis d’Ed Antoja qui ne sont pas vegan. Alors que ce dialogue est louablement recherché, il n’est que vain, car ses objectifs sont déjà créé de toute pièce.

Même avec un rythme de parole très accentué et un montage très dynamique pour donner un sentiment d’urgence, le documentaire est constamment dans la mauvaise direction. Au lieu de se soucier pleinement des animaux, de les filmer avec bienveillance dans leur souffrance, le documentaire choisit de pointer du doigt tout ce qui est mal pour ensuite l’illustrer avec des gros plans sur la souffrance animale. Ainsi, EMPATHIE porte mal son titre, puisqu’il est en permanence dans l’invective envers les êtres humains, les désignant comme le Mal dans une approche très binaire des modes de consommation. Malgré le récit d’apprentissage d’Ed Antoja, les images frontales ne mentent pas : le documentaire ne parle pas d’un omnivore qui écoute, dialogue et essaie ; le documentaire nous parle et regarde frontalement pour essayer de nous culpabiliser. Évidemment, tout ce qui est dit est juste et tout ce qui est montré est scandaleux, mais la manière n’est pas là. Surtout lorsqu’une association prive un cinéaste d’images pour « ne pas choquer, et ne pas se faire censurer » : ça s’appelle de la censure aussi. Le documentaire pointe le doigt dans la mauvaise direction, et la pauvreté des images (par l’étroitesse du regard) n’en est que la preuve.


EMPATHIE (Empatia) 
Documentaire réalisé par Ed Antoja
Espagne / Allemagne / États-Unis 
1h15 
Distribué par Destiny Films
Sortie le 10 Novembre 2021