Premier long-métrage d’Annabelle Attanasio, mêlant différents thèmes pour faire le portrait de la jeune Mickey, lycéenne qui s’occupe de son père vétéran. Le film parle de famille, de jeunesse, de précarité, de l’abandon des vétérans. Habitant dans un mobile-home en mauvais état avec son père au bout du village, en pleine nature, Mickey vit dans un quotidien qui se présente sans avenir. Le monde semble avancer sans elle : assurément solitaire, elle est dédiée à prendre soin de son père fatigué par le syndrome post-traumatique de la guerre. La caméra nous emmène donc dans l’Amérique profonde, celle où un père et sa fille n’ont pas d’argent, mais continuent de rêver d’ailleurs. Un sujet que l’on connaît déjà au Cinéma, c’est certain. Mais le Cinéma n’est pas une affaire de sujet uniquement, c’est surtout une affaire de point de vue et d’images. En cela, Annabelle Attanasio impressionne par sa volonté ferme que la caméra s’accroche à Mickey, la portant avec conviction et soutien dans chacun de ses gestes.
MICKEY AND THE BEAR se démarque parce que Mickey n’est pas une adolescente qui va se rebeller contre la société pour s’en sortir. Au contraire, elle est toujours concentrée et déterminée dans ce qu’elle entreprend. Une adolescente déjà adulte, qui a grandit trop vite, mais qui est toujours retenue par l’espace dans lequel elle vit. Malgré ses envies d’ailleurs, son désir de nouvelle aventure, Mickey est embarquée dans un cycle où elle revient toujours à son logement avec son père. La figure masculine joue aussi un grand rôle dans cette retenue, où chaque sentiment éprouvé pour un personnage masculin est tel un emprisonnement. Tout au long du film, Mickey est emprisonnée dans ses sentiments et sa condition de vie dans ce paysage du Montana. La caméra d’Annabelle Attanasio capte alors cette sensation de douleur permanente, dont Mickey n’arrive pas à se défaire. Comme si le corps ne pouvait pas répondre aux désirs de la tête.
Une mise en scène avec beaucoup d’énergie, où l’emprisonnement ne montre pas une urgence d’en sortir, mais simplement cette envie d’ailleurs qui traîne dans la tête depuis longtemps. En attendant, Mickey vit dans la brutalité d’un environnement abandonné, où les sentiments ont un caractère très sauvage. Mais la caméra d’Annabelle Attanasio prend ses distances, n’exagérant jamais la mise en scène et ne forçant jamais l’ambiance de la brutalité. Le cadre arrive à montrer l’impasse dans laquelle vit Mickey, en accompagnant l’adolescente dans tous ses mouvements dans un geste d’observation. Dans un montage sobre, qui laisse le temps aux corps et aux regards de s’exprimer, les images montrent une vie freinée. Grâce à cela, le montage et le temps laissé à chaque scène permettent au film de mélanger la violence et l’espoir qui compose la vie de Mickey. MICKEY AND THE BEAR est un film tendre et très dur dans ce sens, car les images ont toujours deux niveaux de lecture. Chaque plan est composé d’une brutalité, d’une détermination, d’un désir, et d’une photographie qui étonne par son mariage entre l’apaisement et l’aridité. Un premier long-métrage d’une grande maîtrise, qui prouve que les images peuvent en dire davantage que les dialogues d’un scénario. Indispensable.
MICKEY AND THE BEAR ; Écrit et Réalisé par Annabelle Attanasio : Avec Camila Morrone, James Badge Dale, Calvin Demba, Ben Rosenfield, Rebecca Henderson ; États-Unis ; 1h30 ; Distribué par Wayna Pitch ; 12 Février 2020.