Une histoire d’amour, de vie, de mort, de fatalité, de road movie. Il y a tout ceci dans le premier long-métrage de Melina Matsoukas. Un mélange qui a pour objectif de parler social et politique, dans une époque où le racisme existe toujours. Dans QUEEN & SLIM, les deux protagonistes (le titre du film porte leur nom) prennent la route pour aller rêver d’une vie meilleure et tranquille ailleurs, en passant la frontière. Mais le film n’est pas un thriller sous forme de poursuite, car l’oppression et le danger restent hors-champ (hormis la première rencontre avec un agent de police, et le final). Lena Waithe choisit de contourner la poursuite traditionnelle, permettant à Melina Matsoukas de créer une forme contemplative.
Parce que QUEEN & SLIM ne s’enlise pas dans le fatalisme et la traque, la cinéaste préfère un cadre qui se concentre sur l’espoir, sur l’intimité, sur les rencontres (qui deviendront des soutiens). Dans ce cadre, il y a à la fois la gestion de l’instantané et la détermination de continuer à avancer (à progresser vers le rêve d’ailleurs). Un geste d’espoir car dans cet espace entre la vie et la mort, dans ce road movie, le film est surtout une histoire d’amour. C’est ce romantisme qui permet au film d’avoir un regard assez rare sur ce type de récit. La romance porte tout le reste du film vers l’espoir. Tant que la caméra les capte ensemble, tant que les corps sont rapprochés, il y a le moyen d’avancer et d’espérer. Un cadre qui prend notamment le temps d’exposer et introduire chaque nouvel espace de l’aventure sur les routes. Nous découvrons chaque nouvel espace en même temps que les protagonistes, montrant parfaitement l’adaptation et l’intégration auxquelles doivent faire face les protagonistes, alors qu’il/elle sont dans leur pays – comme des étrangers dans chaque espace, où l’espoir ne réside que dans leur rapprochement dans le cadre.
Après avoir introduit les espaces, le cadre se recentre donc sur Queen et Slim, cherchant toujours leur intimité et surtout à rappeler qu’il s’agit d’abord d’une histoire d’amour. Puis, Melina Matsoukas a la brillante idée de bouger son cadre, pour faire entrer dans l’intimité un élément perturbateur qui se trouvait hors-champ. Là est toute la virtuosité de la cinéaste : le danger n’est pas dans le champ, il se trouve ailleurs, permettant au cadre de parler de romantisme. Pour intégrer le danger, c’est donc grâce au langage cinématographique, où le mouvement de caméra permet de rejoindre deux espaces (celui de la romance et celui du danger) en un seul et même champ dans le cadre. Ce que l’on voit est donc toujours beau, mais devient petit à petit tourmenté et dangereux. Une beauté par la photographie sensible et fiévreuse de Tat Radcliffe, qui rend vivant des cauchemars nocturnes où chaque espace vibre au rythme du danger hors-champ, et qui fait le portrait d’une intimité romantique en pleines journées. On peut tout de même reprocher à au film de manquer de subtilité ici et là, et d’être confus dans son angle de lecture.
QUEEN & SLIM ; Réalisé par Melina Matsoukas ; Scénario de James Frey et Lena Waithe ; Avec Daniel Kaluuya, Jodie Turner-Smith, Bokeem Woodbine, Chloë Sevigny, Flea, Indya Moore, Jahi Di’Allo Winston ; États-Unis, Canada ; 2h12 ; Distribué par Universal ; 12 Février 2020