Il y a vraiment de quoi être enthousiaste quand on pense aux trois principales composantes du film. La première est un scénario écrit par Richard Curtis, le maître britannique de la comédie romantique à qui l’on doit notamment IL ÉTAIT TEMPS, LOVE ACTUALLY, 4 MARIAGES ET 1 ENTERREMENT, GOOD MORNING ENGLAND, la saga BRIDGET JONES, des épisodes de BEAN. Puis, il y a le cinéaste Danny Boyle, au style très marqué par une approche musicale (influencé par les clips, certains diront), à qui l’on doit notamment TRAINSPOTTING, SUNSHINE, SLUMDOG MILLIONAIRE, TRANCE, STEVE JOBS. Enfin, il y a évidemment une bande originale composée majoritairement des musiques du groupe britannique The Beatles. En quelque sorte, il y a vraiment de quoi passer un très agréable moment, et que ce film soit très appréciable. J’ajouterai également qu’il y a la présence de Lily James, que personnellement j’adore (je tenais à la mentionner).
Le pitch est assez simple : un jeune compositeur / interprète n’arrive pas à vivre de sa passion pour la musique, et il n’arrive pas à accéder à la réputation qu’il aimerait, malgré le soutien et l’aide de son amie manager. Cependant, il se réveille un jour dans un monde où les Beatles n’ont jamais existé, mais dont il est le seul à se souvenir. Ainsi, Richard Curtis et Danny Boyle explorent de nombreux thèmes – l’imposture, le génie, la romance, la gloire, la culture britannique (de nombreuses références à des œuvres purement british) -, et les abordent avec le prisme du vertige. Déjà dans l’écriture, où Richard Curtis mêle chaque thème et les fait résonner les uns dans les autres. La narration est progressive, exposant délicatement les objectifs des personnages, avant de construire petit à petit une ascension liée avec une amertume. Dès qu’un arc narratif est développé (parmi les thèmes abordés), il y a toujours une résonance dans un autre arc narratif. Comme un écho qui se propage, où chaque moment met les autres en suspend. Richard Curtis et Danny Boyle travaillent beaucoup sur le non-dit dans ce film, et surtout sur le vertige du hors-champ, des possibles conséquences de la présence dans un espace à distance.
Toutefois, YESTERDAY n’est pas que cela. Richard Curtis est au scénario, il y a donc forcément une partie comédie romantique dans le film. C’est une partie où Danny Boyle se met légèrement en retrait esthétiquement, où il préfère la sobriété de son style pour se soumettre à la maîtrise de la comédie romantique par Richard Curtis. Comme à son habitude, le scénariste propose une romance compliquée, qui se joue des espaces (l’absence, l’apparition, l’espace où il ne se passe finalement rien, l’isolement, la confrontation en public, etc…). Danny Boyle opte alors pour explorer la solitude dans une romance compliquée. Par de petits gestes, par des poses en attente, par des regards désabusés, … le cinéaste nous plonge directement dans le malaise d’un vide, dans un contre-équilibre. Jusqu’à un moment donné, le film fonctionne parfaitement avec cette romance non avouée. Mais lorsque tout est dévoilé, le scénario de Curtis et la caméra de Boyle ne se focalisent plus qu’à la romance. Et même si elle reste agréable à suivre, elle occupe beaucoup de place dans la troisième partie du film. Dommage que le mélange des thèmes ne persiste pas, pour tomber dans quelque chose de plus mièvre. Ce mélange où la satire de l’industrie musicale se mêle à une réflexion sur le concept de génie, tout en l’alimentant par l’idée de l’imposture. Le vertige du montage se construit donc dans des allers et retours entre tous ces thèmes, où la temporalité est très importante car elle convoque constamment l’impuissance face aux actes passés.
Le film se compose pourtant comme une musique : il y a les couplets avec de l’humour et des dialogues, puis il y a les refrains avec l’utilisation des musiques des Beatles. Le montage de YESTERDAY, grâce aux nombreux angles de vues de Danny Boyle, fait preuve d’un grand dynamisme dans cette impression mélodieuse. Sauf que cette mélodie manque d’énergie et de frénésie, le film devenant très rapidement trop doux et n’osant pas la cruauté de ce qu’il se moque. Parce que oui, le film a tout un côté humour très marqué, accompagnant intelligemment le drame. On retiendra cependant davantage toute les parties satiriques (où Danny Boyle prend un immense plaisir et semble être très à l’aise) que les parties dramatiques et mélodramatiques. YESTERDAY est clairement plus solide dans sa partie satirique que dans sa partie drame & mélodramatique. Il y a de nombreuses très bonnes idées, où la caméra montre des espaces vastes, ou alors quand la caméra est en contre-plongée, créant ainsi un vertige incontrôlable. En dehors de tout cela, Danny Boyle n’arrive pas à investir les espaces du vertige autrement que par la parole et des cadres souvent frontaux. Un vertige que l’image montre, mais qu’elle ne projette pas. Ainsi, YESTERDAY est sympathique à suivre et regarder, mais manque clairement de solidité et d’énergie pour que chaque espace soit vraiment vertigineux dans tous les thèmes abordés.
YESTERDAY
Réalisé par Danny Boyle
Scénario de Richard Curtis
Avec Himesh Patel, Lily James, Joel Fry, Kate McKinnon, Ed Sheeran, Alexander Arnold, Meera Syal, Sanjeev Bhaskar, Sophia Di Martino, Harry Michell, Sarah Lancashire, Justin Edwards
Royaume-Uni
1h56
3 Juillet 2019