Quand il est parfois dit que certains films posent des questions mais n’y répondent jamais, THE MOUNTAIN en est l’exemple parfait. Il n’y répond pas par pure démarche artistique, ni par envie de faire participer le/la spectateur-rice à la réflexion. C’est ici la grosse erreur du film de Rick Alverson, car le cinéaste passe davantage de temps à vouloir construire une forme artistique qui trouble et qui dérange, sans jamais vouloir créer autre chose qu’une forme où ne serions simples spectateur-rice-s. C’est la définition même d’un film auteurisant, d’un geste qui se revendique artistique mais davantage prétentieux. Tout est propice à créer de la performance, et de soumettre l’esthétique à l’exacerbation des sensations. Que ce soit dans la mise en scène (devenant une performance pour chaque acteur et actrice), dans le rythme et le montage (perte de notion de temporalité, ellipses superflues et confuses), ou dans le cadre (une ambiance mal définie, une frontalité discutable, etc).
THE MOUNTAIN ne travaille pas deux éléments essentiels du cinéma : le mouvement et le temps. Tout semble figé, comme tout semble superficiel. Au lieu de chercher à explorer la complexité de certains personnages, Rick Alverson préfère les faire poser devant la caméra. Ce sont des attitudes qui ne contiennent trop peu de mouvements concrets, des attitudes qui provoquent un regard particulier. Sauf que ce regard ne sait pas ce qu’il faut regarder, ne sait pas ce qu’il doit s’approprier pour ouvrir une réflexion. Comme tout est de la performance, il s’agit donc pour le public de faire le film à la place de celui-ci. Il n’y a plus de point de vue sur lequel appliquer une imagination, il n’y a que de l’art de la photographie, l’art expérimental, l’art vidéo tous combinés dans un film qui déroule des scènes comme une succession de plusieurs performances, sans avoir la cohésion du montage.
Malgré tout, THE MOUNTAIN a une esthétique plutôt austère et anxiogène, voire très clinique à plusieurs reprises. Avec ses couleurs et ses décors baroques, le film nous propose un surréalisme torturé. Mais voilà, même si la photographie et la scénographie sont intéressantes, Rick Alverson ne propose rien d’autre que des plans fixes. Conçu comme de la photographie qui rencontre une performance dans l’art vidéo, THE MOUNTAIN n’est pas un film qui travaille le mouvement de caméra. Si bien que les espaces se referment sur eux-mêmes, que chaque scène et chaque performance sont déconnectées de l’Amérique dont le cinéaste essaie de faire le portrait. Mais surtout, le cadre fixe supprime tout intérêt des espaces dans lesquels se jouent les performances. Les espaces sont terriblement vide de sens et d’influence sur la mise en scène. Comme tout le reste du film, où le non-sens règne dans les performances et dans la construction du propos.
THE MOUNTAIN : UNE ODYSSÉE AMÉRICAINE (The Mountain)
Réalisé par Rick Alverson
Scénario de Rick Alverson, Dustin Guy Defa, Colm O’Leary
Avec Tye Sheridan, Jeff Goldblum, Hannah Gross, Denis Lavant, Udo Kier, Annemarie Lawless, Eleonore Hendricks
États-Unis
1h45
26 Juin 2019