On a beaucoup parlé, beaucoup écrit, et même légiféré, sur le secteur de l’influence. Dans la multitude de formats existants sur le sujet, la bande dessinée est un peu plus rare. Avec Qui m’aime me suive : Bienvenue dans le monde des influenceurs, le journaliste Gurvan Kristanadjaja nous offre une exploration originale du phénomène de l’influence sur les réseaux sociaux : à travers les aventures de son chien Sirius, devenu influenceur malgré lui, l’auteur décortique les mécanismes complexes qui régissent cet écosystème. C’est le dessinateur Joseph Falzon qui accompagne le propos sans le surcharger, avec des illustrations simples et dynamiques.
Un regard canin sur l’influence
L’approche de Kristanadjaja se démarque par son originalité. En choisissant son chien comme protagoniste, l’auteur porte un regard à la fois naïf et perspicace sur les rouages de l’influence. Ce choix narratif permet aux lecteurs de s’identifier facilement au personnage tout en gardant une distance critique avec le sujet traité. En réalité, Gurvan Kristanadjaja est soulagé par cette distance lui évitant de trop s’impliquer personnellement dans son enquête.
Mécanismes et dérives de l’influence
Car au fil des pages, en devenant « influenceur par procuration » (non sans peine, ni sans dépenses) Kristanadjaja va se mouiller pour révéler les différentes facettes du métier. De la quête effrénée de likes à la monétisation de sa notoriété (enfin, celle du chien) en passant par les collaborations avec les marques, la bande dessinée expose les stratégies et les enjeux qui sous-tendent cette nouvelle forme de communication.
Qui m’aime me suive ne se contente pas de décrire un phénomène, il en pointe également les dérives en abordant les aspects plus sombres de l’influence, tels que la pulsion narcissique qui peut animer certains influenceurs ou la toxicité du circuit de la récompense généré par les likes et les commentaires. La bande dessinée soulève également la question du surtourisme, conséquence directe de la promotion de certains lieux par les influenceurs.
Les pratiques les moins reluisantes du milieu sont également abordées. L’achat de likes et de followers, visant à gonfler artificiellement la popularité, sont ainsi exposés et expliqués. Le « dropshipping », technique de vente consistant à servir d’intermédiaire entre un fournisseur et un client sans gérer de stock, est également traité, mettant en lumière des pratiques commerciales discutables.
Peut-on encore être authentique sur les réseaux sociaux ?
C’est une réflexion essentielle sur la notion d’authenticité dans le monde de l’influence qui transparaît en continu de la bande dessinée. À travers le parcours de Sirius, Kristanadjaja interroge la frontière entre la personnalité réelle et l’image construite pour les réseaux sociaux. Cette question prend une dimension particulière lorsque l’auteur évoque l’adoption des codes de l’influence par des personnalités politiques, questionnant ainsi l’impact de ces pratiques sur notre démocratie.
À la fois divertissante et instructive, Qui m’aime me suive : Bienvenue dans le monde des influenceurs constitue une lecture utile pour quiconque souhaite appréhender les enjeux de la communication digitale contemporaine. Mais nous laisse sur un doute : et si Gurvan Kristanadjaja n’était qu’un personnage inventé par Sirius ? En tout cas, un seul des deux protagonistes a une vraie photo de lui en fin d’ouvrage…