« L’arnaque des nouveaux pères » : comment le patriarcat résiste à l’évolution de la société

Sans doute le titre en dit-il déjà trop, mais il a le mérite de ne pas créer un faux suspense. La bande dessinée L’arnaque des nouveaux pères (aux éditions Glénat) signée par Stéphane Jourdain, Guillaume Daudin, et illustrée par Antoine Grimée, se positionne comme une enquête journalistique introspective, entre situations du quotidien et interviews, explorant la paternité à l’ère des réseaux sociaux et du féminisme contemporain. Voilà pour la présentation formelle.

Dès les début de la BD, une vignette rappelle une anecdote : une photo, postée sur Facebook, du chanteur Vianney donnant le biberon à son enfant avant de se produire sur scène à Bercy. D’abord qualifié de « papa présent » par une presse people enthousiaste, l’affaire a pris une tournure radicalement différente quand des critiques ont émergé : “Vianney devrait être applaudi car il prépare un biberon ?”. Bien sûr que non. L’anecdote est reprise dans la BD avec une précision : Vianney n’a pas répondu à la demande d’interview des auteurs. Contrairement à un grand nombre de spécialistes (et d’amis) qui ponctuent régulièrement la lecture.

Dans une société où les hommes se montrent de plus en plus impliqués dans la parentalité cette bande dessinée a le mérite de questionner la réalité de cette évolution, voire sa sincérité. Le sous-titre, Enquête sur une révolution manquée, donne le ton : au-delà des apparences de progrès, les auteurs interrogent si les « nouveaux pères » incarnent réellement un changement de paradigme ou s’ils ne font que perpétuer des modèles patriarcaux sous un vernis de modernité.

Eux-mêmes pères de famille, ils partent de leurs expériences personnelles pour mener une enquête plus large (qui les mènera jusqu’à un voyage en Suède, tant qu’à faire). Ils mettent en lumière un phénomène qu’ils qualifient de « papatriarcat », où les nouveaux comportements paternels sont souvent encensés sans remettre en question l’inégalité persistante des charges familiales entre hommes et femmes. Au fil des pages, la BD aborde avec une subtile ironie les stéréotypes et les attentes qui entourent les pères d’aujourd’hui : entre les clichés du père qui « garde » ses enfants et ceux qui changent une couche pour récolter des applaudissements.

Entre humour et critique sociale, un questionnement essentiel de l’époque

La force de cette bande dessinée réside dans son équilibre entre un ton léger et une analyse critique des mœurs contemporaines. À travers des anecdotes du quotidien et des situations « pas si anodines que ça » les auteurs illustrent comment, malgré une meilleure visibilité de l’implication paternelle, le poids des tâches domestiques et parentales reste majoritairement assumé par les femmes.

L’arnaque des nouveaux pères offre une analyse lucide, à la fois drôle et percutante, qui invite chaque lecteur (père ou non ?) à réfléchir sur le rôle qu’il joue — ou pourrait jouer — dans cette supposée « révolution » paternelle. Pour tous ceux qui s’intéressent aux questions de genre, de parentalité, et d’évolution sociale.