Black Mirror - saison 3 : bienvenue sur Netflix !

Netflix faisait fort voici quelques mois en annonçant avoir racheté la série BLACK MIRROR, petit bijou d’anticipation britannique de Charlie Brooker où notre avenir se dessinait via la technologie. Effrayant ou fascinant, on se désespérait de voir une suite aux 2 saisons et 1 special (pour un total de 7 épisodes donc). Et voici le géant américain qui nous dévoile donc 6 nouveaux épisodes, en attendant les 6 suivants déjà prévus pour la saison 4. Verdict de ce retour en grand ?

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Chute libre (Nosedive) 3.5/5

Repères : Bryce Dallas Howard, Alice Eve, Rashida Jones

Et si…. ? BLACK MIRROR visite avec excellence des futurs pas si impossibles, où les technologies prennent le pas sur nos vies. Bon gré, mal gré, chaque épisode nous emmène sur des chemins différents, avec plus ou moins de réalisme. Dans Nosedive, c’est un avenir très proche qui se dessine : la vie en société se mesure à sa e-réputation, chacun notant son voisin ou collègue à chaque échange, service ou rencontre. Une vie sous tension social media, où il faut surveiller ses moindres interactions si on veut rester dans les sphères des 4.0 et plus ; à chaque niveau de notation correspond en effet des bonus au quotidien, ou une meilleure reconnaissance de ses pairs.

Dérangeant ? Pas tellement, tant ce premier épisode semble issu de nos nouvelles habitudes. On like, on scrute, on suit. L’héroïne se retrouve prise dans un cycle infernal lorsqu’elle commence à dérailler, à enchaîner les bourdes la veille d’un mariage important où elle doit prendre la parole. Pression sociale, absence de vérité au milieu des numérotations de faits et gestes ; Nosedive ne fait dans la dentelle, et fonce même dans l’ironie légère pour marquer le coup. Humour cynique pour une vraie mise en abîme de notre époque : l’ouverture de BLACK MIRROR ne se rate pas.

On se prend à remarquer Rashida Jones à la production, ce qui n’est pas un hasard quand on connaît son travail en production (notamment un documentaire sur les jeunes actrices porno). Surtout, on saluera le passage de Joe Wright, plus connu pour ses longs métrages, qui vient s’amuser ici à décrypter ce monde parfait, légèrement futuriste avec ses courbes nettes, qui déraillera de lui-même autour de Bryce Dallas Howard. (Mg)

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Playtest (Playtest) 4.5/5

Repères : Dan Trachtenberg, Wyatt Russell

Vrai coup de coeur, Playtest l’est surtout pour sa capacité à explorer quelque chose de très récent : la réalité augmentée (et/ou virtuelle). Quand un touriste américain se retrouve bloqué à Londres, il accepte comme petit boulot de tester un nouveau jeu en réalité augmentée dans la campagne anglaise. Des premiers tests à une vraie plongée en immersion, le voici confondant rapidement réalité et fiction.

On pourra reprocher à cet épisode de prendre son temps, avec une longue introduction qui installe un personnage central cool et blagueur. Et si ensuite la tendance s’inverse, c’est au profit d’un huis-clos savamment mené, assez déconseillé aux arachnophobes. Entre visions et réalité, le principe consiste à suivre le héros dans sa perte de repères. Inventions de son cerveau, création du jeu en lui-même, fantasmes ou réalités, on ne sait plus trop. Et quitte à parler des dérives de la réalité augmentée et/ou virtuelle, autant faire carrément peur.

Aux commandes on retrouve Dan Trachtenberg qui vit une belle année, ayant signé voici quelques semaines CLOVERFIELD LANE. Un autre huis-clos paranoïaque justement, voilà de quoi lui faire une belle ligne de plus sur son CV. Fascinant dans ses multiples couches de récit sur sa deuxième moitié, Playtest s’avère lent à démarrer mais se révèle être particulièrement pertinent ensuite. (Mg)

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Tais-toi et danse (Shut Up and Dance) 2/5

Repères : Jerome Flynn,  James Watkins 

Alors que l’épisode démarre sur un parfait raccord avec le précédent, dans une dimension mi-thriller mi-horrifique, le reste n’est que désenchantement. Alors que la troisième saison a fait un retour sur les chapeaux de roues (Bryce Dallas Howard passionnante dans un épisode très bien orchestré par Joe Wright), c’est la chute entre les 3×02 et 3×03. Pourtant, il y a les éléments pour plaire : une sorte de quête vers l’inconnu, un road trip dirigé par un hors-champ virtuel et mystérieux, une idée de jeu chasse au trésor maléfique.

Malheureusement, rien n’est abouti, rien n’est exploité en profondeur. Il est sidérant de voir que la série BLACK MIRROR arrive à offrir autant de facilités, une approche aussi lissée d’une idée. Parce qu’il faut le dire : le concept du chantage, d’un inconnu qui a piraté la webcam, d’une potentielle vie détruite, sont des éléments vus mille fois. Sauf que l’intrigue s’arrête ici, dans la progression grossière de simples faits. A aucun moment les personnages ne seront exploités : là où les deux premières saisons (et le 3×01, même le 3×02!) réussissaient à explorer la vie intime et intérieure des personnages, ici rien. Le principe de l’épisode est assez simple, puisque il s’agit modestement d’accumuler des actions qui ne font que repousser soit une échéance malheureuse ou une libération joyeuse. Plus le temps avance, plus l’épisode répète les mêmes attitudes.

Le road trip se résume à contempler un mec suivre un GPS, avec des émotions surjouées, et une caméra qui est balancée à droite et à gauche. On se demande bien ce que fait James Watkins, qu’on a connu largement bien plus inspiré esthétiquement avec EDEN LAKE ou LA DAME EN NOIR. Grosse déception sur le cinéaste, qui semble plutôt alimenter son CV que donner une vraie identité esthétique à une série qui a un thème rempli de possibilités. Surement l’épisode le plus fade visuellement jusqu’alors. Les faux plans subjectifs mettent mal à l’aise, les paysages vides et les arrêts dans ceux-ci sont gâchés par des changements d’angles de vue incompréhensibles (et inutiles). A croire que toute les ambiances construites par James Watkins dans ses films sont réduites à un réalisme bien pauvre. Un comble pour une espèce de recyclage du tout premier épisode. (Teddy)

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San Junipero (San Junipero) 4/5

Repères : Gugu Mbatha-Raw, Mackenzie Davis

San Junipero. Quel nom classe et évocateur de poésie pour une ville où les lumières est le point d’orgue de l’esthétique. Rien que dans les premiers plans, une vue en plongée sur les lumières de la ville avant d’en venir à l’intérieur où les phares des voitures et les spots des murs attirent l’oeil. L’électricité, cette chose qui régit le présent et le futur. L’entrée dans le club est comme un passage d’un univers à un autre, d’une forme d’électricité connue à une autre plus onirique. Le club est déjà un ailleurs où les attitudes changent et tous les possibles sont de mise : l’entrée nostalgique dans des désirs profonds, dans une fureur de vivre, face à l’hostile extérieur (la présence de la pluie à un moment de l’épisode est une grande idée pour opposer les esthétiques).

Cet épisode est clairement le plus abouti de la saison 3, parce qu’il offre une immersion totale et sans appréhension dans l’univers poétique, qu’il soit froid ou chaleureux. Toute l’esthétique photographique crée un lyrisme sensoriel, une échappée des tensions et des angoisses intimes, vers un lâcher-prise / un relâchement total des fantasmes les plus profonds. Puis, plus l’épisode progresse, plus l’immersion dure dans ces esthétiques sensorielles. L’onirisme est alors extrait de son espace enfoui (un club) pour se répandre dans une virée au bord de mer. Le rêve poétique est alors transféré de son cocon vers l’horizon, vers une possible ouverture dans le réel.

C’est là qu’on peut y voir apparaître un semblant de fantastique. C’est peut-être pour cela que l’épisode est si beau et que la poésie n’est jamais lassante. Il y a toujours des petits détails qui viennent renflouer la sensorialité : c’est parce que l’onirisme lorgne du côté du fantastique que la relation entre les deux jeunes femmes est si belle. La rupture est toujours possible, comme une sorte de fissure parce que le fantastique et l’onirisme a ses limites. A un certain moment, il faut se réveiller et revoir l’électricité réelle. Ce petit faisceau lumineux fantastique / onirique ne dure qu’un temps. Mais il peut devenir éternel s’il y a abandon de la raison intérieure, pour s’adonner poétiquement et entièrement à l’ouverture proposée par l’horizon. L’épisode créer alors cette rupture entre la raison et le cœur : entre la peine mélancolique et les rêves, la fulgurance de la fureur onirique.

Au-delà de toute cette esthétique photographique, il manque surement une identité autour de l’image. En effet, même si la mise en scène est très poétique, la réalisation n’est pas forcément au rendez-vous pour porter comme il se doit tout cet onirisme. Bien trop en recul à plusieurs reprises, et souvent ne laissant pas vraiment le temps à la photographie de s’exprimer davantage. L’opposition entre l’austère réalité et la poésie onirique existe bien, mais elle peine à se faire remarquer dans les plans. Il n’y a pas vraiment d’esthétique de montage, et c’est bien dommage. Le plus souvent filmé comme un modeste mélodrame, il y avait davantage à faire dans les rapports entre onirisme / sensorialité / fantastique.

Cela dit, on pense nécessairement aux RENCONTRES D’APRES MINUIT de Yann Gonzalez. (Teddy)

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Tuer sans état d’âme (Men Against Fire) 3/5

Repères : Ariane Labed, Michael Kelly

Rien de mieux qu’un monde post-guerre pour exprimer toute la tension entre deux champs : ici les forces armées qui veulent tuer ce qu’ils nomment les « Déchets ». La technologie est à la pointe : les armes sont formidables, très performantes, la chef de troupe a un traducteur automatique qui identifie instantanément le langage de l’interlocuteur, les yeux permettent de voir des plans virtuels, également de voir les plans filmés par une sorte de drone, etc. Autrement dit, on comprend vite que les militaires possèdent surement un implant à l’intérieur d’eux (une sorte de retour à l’épisode 3 de la saison 1). Cet épisode démarre sur le genre de la guerre, mais quand ils sont sur le point d’effectuer un home invasion envers un suspect, l’ambiance tourne vers l’horreur.

Lorsque l’épisode décide de se concentrer sur un seul personnage, il développe alors une intrigue (presque) parallèle. Il s’agit d’un indice lancé au spectateur : la mise en scène propose un dysfonctionnement, comme un dérèglement dans tout ce qui a été établit jusqu’alors. Ce revirement radical de comportement ne change pas l’ambiance un tantinet horrifique, mais bouleverse réellement le ton. L’approche désincarne petit à petit l’aspect robotique du geste militaire, pour chercher l’opposition entre la sauvagerie et l’humanité. Le soucis est que cette dualité repose un effet démagogique : il y a l’élite au pouvoir qui contrôle les esprits, face au peuple qui ose se rebeller.

Même si le thème est un brin d’actualité, cette seconde partie grossit les traits et ne regarde les conséquences du climax qu’en surface. A partir du moment où le protagoniste est dans une situation à la SAUVAGES (le film de Tom Geens, 2016), tout devient linéaire et prêt à être déroulé. Il n’y a plus de place à la surprise. On revient aux erreurs des trois premiers épisodes de cette Saison : les fins en carton. Il va falloir arrêter de confondre la noirceur d’un récit avec un ton moraliste. Même dans l’esthétique il y a cette approche théorique d’une morale, provocatrice pour deux sous. Il n’y a pas de nuances dans la forme : alors que la première partie est fort intéressante (les genres de l’aventure – thriller ou guerre – et de l’horreur étant mieux réussis que dans les épisodes 3 et 4 de cette saison 3), la seconde partie est molle et peine à trouver une véritable identité en dehors des plans académiques (le plan large en plongée pour humilier, le gros plan pour sensibiliser ou pointer du doigt, le zoom pour la révélation pleine d’affection, etc). (Teddy)

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Haine virtuelle (Hated in the Nation) 3/5

Repères : Kelly Macdonald

Attention, épisode d’une heure et trente minutes. Dans ce thriller social-media, un tueur en série particulièrement retors tue les personnalités citées sur les réseaux sociaux autour d’un mot-clé particulier. Une enquête épineuse débute pour deux policières, une aguerrie et une débutante.

Se focalisant sur la capacité qu’ont les réseaux sociaux pour organiser des campagnes de bashing contre une ou plusieurs personnes (ou pire – donc), ce dernier épisode de la saison anticipe sur la technologie, et notamment ses abeilles mécaniques, sans forcément développer les capacités déjà impressionnantes des réseaux à viser quelqu’un. Et si tout cela permettait de réellement tuer sa cible ? Le traitement qui en est fait n’est pas des plus percutants, instrument plus qu’autre chose dans l’histoire globale.

Au coeur du récit, ce sont bien les deux policières qui sont censées donner le rythme de l’ensemble. Et là aussi, à ne pas pouvoir tout développer, c’est largement survolé. « Haine virtuelle » reste donc un épisode en demi teinte qui reste très pertinent mais en soi souffre d’une construction (rallongée) bien trop fragile. (Mg)

3.5 / 5
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