Sept saisons de The Shield, ou les chroniques d’une lente descente aux enfers. Chaque épisode, chaque moment menait forcément et inévitablement à une fin tragique. Dans la banlieue de Los Angeles, c’est un drame shakesperien qui se déroulait sous nos yeux, une tragédie moderne des plus caractérisées, avec ses morts, ses guerres et les survivants. Forcément, le héros même devenu le mal incarné ne pouvait que finir seul, isolé. Vic Mackey a surmonté toutes les épreuves, mais au prix de sa raison d’être. Désincarné? Pas totalement. Mais le suspense reste.
Où l’on se rend compte que tout menait à cette fin. La saison 7 tourne principalement autour du combat Vic/Shane, cette dualité impossible où les éléments accumulés depuis le début ont menés à leur confrontation. Dans ce petit jeu, évidemment très officieux, Shane s’enfonçe inexorablement dans une chute totale, et Vic doit tenter de gérer son ex-partenaire tout en étant amené à prendre une retraite anticipée qu’il ne souhaite pas. De plus, mêlé de près à l’arrivée en ville d’un cartel de la drogue, il collabore avec les fédéraux pour coincer les grosses têtes du réseau. Un nouveau moyen aussi de s’assurer un nouveau job. Mais le jeu de chat et de souris arrive à son terme. Shane commandite les assassinats de Vic et Ronnie, et échoue ; il prend la fuite avec femme et enfants. Enfin à moitié, puisqu’il reste dans les environs, espérant s’en sortir d’une manière ou d’une autre. Sur cette deuxième moitié de saison concernant Shane, les scénaristes se jouent de nous, livrant le personnage à la pitié du spectateur. Un coup très heureux, dans des tableaux presque iddyliques, ou l’épisode suivant au fond de sa déchéance braquant à tour de bras pour vingt dollars, Shane est arrivé au bout et s’en va avec les honneurs. Dans l’ultime épisode il se donne la mort, entraînant avec lui sa famille. Finalement seule solution pour apaiser sa conscience et arrêter l’hémorragie de violence, son suicide ferme la porte aux menaces contre Vic et sa famille. Bien que peu surprenante, cette fin laisse un goût amer. Mais The Shield n’étant pas une série ordinaire, il était difficile de voir Shane partir en prison. On aurait frôlé l’erreur de mauvais goût.
On pourrait se dire que cela ouvre la porte à une fin heureuse, mais que nenni. Vic travaille avec les Féds pour coffrer un dealer mexicain et son cartel, et s’assure face aux menaces de Shane l’immunité et un nouveau salaire. A un détail près. Ronnie. Son allié de toujours, le seul resté après tous ces combats et ces heures noires, aurait du faire parti du convoi. Mais dans le flot d’évènements clôturant la série, Vic signe un deal pour lui seul, et confesse tous ses actes les plus sordides. Le seigneur du quartier fait face à ces crimes, mais pour mieux s’en expier. Se jouant des fédéraux, il livre tout ce qui tombe sous le coup de son immunité. On frôle l’extase scénaristique. L’enchaînement est fatal ; le cartel coffré, Vic respire. Et Ronnie est arrêté pour tous les crimes confessés. Car si les révélations de Shane sont désormais envolées, les confessions de Vic constituent un dossier des plus solides pour Claudette et sa hiérarchie pour coffrer le seul élément de la Strike Team encore libre. Tragédie moderne où le plus innocent devient la principale victime. Dommage collatéral ou non, cela isole Vic, désormais au ban de la police. Ses ex-collègues ne le regardent même plus. Et après avoir été placée au milieu des jeux de Shane, sa famille a demandé à être placée dans le programme de protection des témoins ; Vic n’a même pas le temps de dire adieu à ses enfants. Fin de l’histoire.
Habilement menée, ces dernières minutes auraient pu convenir à un héros tel que Vic, désormais engagé par les fédéraux pour ses connaissances du terrain. L’ultime pied de nez viendra de sa supérieure, qui le colle à un bureau pour écrire des rapports. Condition inévitable au maintien de son immunité, il doit accepter. On sent la rage et l’orgueil de l’homme de terrain, pour qui les raisons d’être était sa famille, son équipe et l’adrénaline des rues de Los Angeles. Désormais isolé, il doit porte costume et apprendre les horaires de bureau. Nul autre fin n’aurait été plus juste pour celui qui se révèle au final le plus sombre des héros de notre temps. Evidemment le bruit des sirènes de police ne le laisseront pas indifférents, et c’est en le voyant reprendre son arme de service que la saison se termine. Vic Mackey n’a plus que lui-même comme compagnie, et la suite pourrait être encore plus sombre que ce que nous avons vu..
7 saisons et une continuité affolante où chaque pièce du puzzle s’emboîte parfaitement. The Shield est une odyssée dramatique laissant le Barn au main d’un Claudette mourante (de sa longue maladie). Encore un choc, de moindre mesure, dans une ambiance en demi teinte. Nous quittons le groupe de policiers reprenant le travail comme d’habitude. Show must go on.
5 / 5