Écrit et Réalisé par Claire Simon.
France / 147 minutes / 13 Avril 2016.
Après GARE DU NORD, la cinéaste documentariste Claire Simon revient avec LE BOIS DONT LES REVES SONT FAITS, un documentaire qui explore le bois de Vincennes de l’intérieur. A travers des plans larges vides d’être humains, de regards témoins sur une action, ou d’entretiens individuels, le long-métrage veut tenter une grande boucle avec plusieurs portraits possibles. Ces hommes et femmes sont tous différents, ce qui offre au bois une pluralité des intentions, des mentalités et culturelle. Parce que ce sont tous ces humains qui passent dans le bois de Vincennes qui le façonnent. Le bois est tel un puzzle dont les morceaux sont les différents portraits des gens qui le traversent. Sans jamais être un fourre-tout, car Claire Simon prend le temps de couper son exploration en s’attardant sur chaque portrait. Des longs plans et des plans séquences, qui permettent aux personnes filmées (ou interviewées) de s’approprier le film et d’en être l’enjeu principal. En les traitant un par un, avec des séparations nettes dans le montage (des plans larges sur le bois seul, par exemple, ou un groupe de personnes dont les paroles sont indistinctes), le documentaire montre le bois comme un élément indissociable des gens qui y marchent, courent, s’assoient, rient, chantent, vivent, font l’amour, etc…
En prenant le temps, en allongeant donc sa temporalité sans complexe, Claire Simon crée une poétique au sein même du bois. Chaque petit espace de ce bois est divergent par rapport aux autres, mais toujours avec la même source : le rêve. Comme le dit si bien le titre du documentaire, le bois de Vincennes est un lieu où les désirs, les fantasmes, les espoirs de chacun passent de l’idée à la consécration. Très rapidement, grâce au montage, le bois devient très organique. Il est à la fois créé par les personnalités des gens qui le traversent, mais est aussi la création des rêves de ces même personnes. La poésie émerge de ces deux éléments : peu importe la saison à laquelle est capté un plan, le bois ne perd jamais de son charme naturel. Parce que le passé, le présent et le futur s’y confondent : les personnes filmées y voient un point d’appui et une légèreté qui leur permet de progresser dans leur bien-être.
Parce qu’au fond, le bois de Vincennes est filmé d’une manière où il est caractérisé comme un chemin infini autorisant à quitter le quotidien (le temps de s’arrêter dans le bois) et comme un bruit soufflant la possibilité de s’échapper psychologiquement. Tous les problèmes de la vie citadine disparaissent le temps d’un arrêt ou d’un passage dans le bois. C’est là que toute la poésie esthétique prend son importance. Au fil des portraits, le bois ne semble jamais avoir de limites, ni même d’avoir d’entrée. Il est représenté comme une évidence, une obligation de passage, qui provient directement des gens filmés par Claire Simon. Avec ses couleurs naturelles, beaucoup de vert et de marron, le long-métrage se distingue par l’unité qu’il crée autour des personnes qui discutent avec la documentariste. Claire Simon ne cache jamais sa présence (on l’entend parler aux gens à plusieurs reprises), admettant une immersion totale dans le bois. En y affirmant sa présence, elle se livre entièrement à cet espace, et permet aux gens de s’ouvrir sans complexe.
Les fantasmes ne sont plus du tout une illusion, parce que le bois offre la possibilité aux personnes de les concrétiser. C’est comme si la sauvagerie de l’espace naturel laissait place à l’enfance : une sorte de naïveté face à ce que le bois peut livrer comme surprises et plaisirs. Le bois est une illusion qui devient vraie, un territoire qui unit les gens et les place à égalité. Parce que c’est l’idée de fantasme / d’espoir qui les relie tous. Ils viennent – traversant ou s’arrêtant – dans le bois pour trouver la même chose : l’innocence et le plaisir d’être. Tel un paradis à portée de main, où les buissons et les arbres sont autant de détails qui cachent des tas de surprises. Le plaisir d’être est cette façon, pour les personnes filmées, de se livrer à l’inconnu pour une recherche du bonheur. LE BOIS DONT LES REVES SONT FAITS est ce paradis retrouvé où l’humain peut s’échapper dans ses plaisirs à travers un espace poétique rempli de surprises et d’espoir.
4.5 / 5