Cry Macho, de Clint Eastwood

N-ième film testamentaire de Clint Eastwood ? Peut-être, peut-être pas. En tout cas, CRY MACHO est aussi beau que fragile. C’est un petit film de la part du cinéaste, qu’il faut prendre comme tel. Parce que déjà il n’a plus rien à prouver, et qu’il s’agit clairement d’un petit film assumé ainsi de la part d’un vieux cinéaste. On pourrait le rapprocher de TRE PIANI de Nanni Moretti, sorti le même jour. Oui, il y a des maladresses d’écriture. Oui, certains membres du casting jouent mal. Oui, le film a du mal à démarrer. Mais est-ce là le plus important, dans le film ? Bien sûr que non, Clint Eastwood n’en fait pas sa priorité. Le sujet du film est ailleurs. Les défauts d’un film, lorsqu’ils n’impactent pas véritablement sa cohérence et sa pertinence, montrent que la fragilité est aussi une beauté. C’est dans l’imperfection que le cinéma peut être le plus touchant. Clint Eastwood l’a assez prouvé.

Dans ce post-western, Clint Eastwood semble chercher une époque passée qu’il a connu (comme acteur d’abord), non pas comme une nostalgie mais comme une réminiscence. Ce n’est pas pour rien que le film commence sur un plan large de paysage, et qu’il se termine sur une fumée. Il y a quelque chose qui s’est évaporé, et qui a transformé le western en espace aride, vide, chaotique. Le cinéaste y installe donc le contrepoint de l’obscurité. Face au crépuscule et face à la mort qui s’annoncent, CRY MACHO regarde l’humanité droit dans les yeux. Clint Eastwood parle de tendresse et cherche la poésie qu’il reste. Et il la trouve dans la formation d’un jeune à monter un cheval, dans la guérison d’animaux, dans la rencontre d’une gérante de restaurant, dans une simple séquence dans une chapelle, etc.

Le film propose une vision à la fois apaisée et résiliée de la vieillesse. Eastwood semble avoir fait la paix avec sa vieillesse, semble l’avoir accepté, et attend patiemment la fin. Avec l’une des plus belles images de son œuvre : lorsqu’il se couche et s’efface dans l’horizon. La mise en scène du cinéaste se déploie dans une bulle temporelle, celle où il permet le rêve de circuler, où la création de liens émotionnels est possible, où il est aussi question de réconciliation. La frontière USA / Mexique n’a jamais été aussi loin mais aussi mince. La communication est importante dans le film. Que ce soit entre des personnages américain et mexicain, ou lorsqu’il faut apprendre des choses à un adolescent, ou lorsqu’il s’agit de parler en langue des signes, ou lorsque Eastwood prend le temps dans ses contre-champs.

Cette bulle temporelle et cette possibilité de communiquer sont à l’intérieur du temps qui passe, celui qui amène l’âme vers la fatalité de la mort. Eastwood se filme en difficulté, que ce soit pour monter un fossé de terre, pour descendre d’une voiture, faire la sieste, etc… Le personnage de Clint Eastwood est à son image : fatigué, il met en scène ce qui ressemble à un cadavre qui effectue son dernier rodéo. Malgré le jeu catastrophique de Eduardo Minett, il y a dans ce dernier rodéo une sorte de transmission et d’espérance envers la jeunesse.

Tout simplement parce dans ses images, Eastwood fait le deuil d’un univers, il se remémore un espace qu’il a aimé et qu’il l’a fait naître à l’écran. Dans ces espaces arides, austères, vides, sauvages, le cinéaste y retrouve ses amours et y trouve l’amour. Il y retrouve le goût pour l’aventure (le road trip), le goût pour l’action (la violence, même si épurée ici), le goût pour le statut d’un personnage (le cow-boy qui s’occupe des chevaux), etc. Clint Eastwood filme le fantôme d’un paysage passé et lointain. Ce paysage où les chevaux courent à côté d’une voiture qui passe sur la route. Ce paysage où les herbes sont raides et sèches. Ce paysage où la perspective est interminable et mystérieuse. Ce paysage où la violence peut apparaître de n’importe coin du cadre.

CRY MACHO est ce petit film qui filme une vieille âme qui fatigue, qui attend patiemment la mort. Et en attendant son heure, elle s’efface dans les réminiscences d’un paysage lointain qui l’a fait rêvé. Par le biais d’une réconciliation, le film fait le deuil de l’aventure.


CRY MACHO
Dirigé par Clint Eastwood
Scénario de Nick Schenk, N. Richard Nash
D’après le roman de N. Richard Nash
Avec Clint Eastwood, Eduardo Minett, Natalia Traven, Horacio Garcia Rojas, Dwight Yoakam, Fernanda Urrejola
États-Unis
1h44
Distribué par Warner Bros France
Sortie le 10 Novembre 2021