La Communion

Jan Komasa dirige un film très troublant, qui hantera vos esprits longtemps après le visionnage. LA COMMUNION n'incrimine jamais ses personnages, et les fait se rencontrer dans l'accablement et la fatalité, dans un silence de purgatoire, pour y retrouver la vie et la compassion.

LES ARCS FILM FESTIVAL 2019 – Sommet des Arcs + Section Playtime

Voici un film pas très simple à recevoir, à s’approprier, car il reste longtemps dans les esprits après un visionnage. LA COMMUNION hante les esprits car il est remplit de violence, aussi bien physique que psychologique. Jan Komasa ne fait pas dans la suggestion, dans le sous-texte. Toute la mise en scène et l’esthétique sont palpables, sont des sensations et des émotions brutes qui se distillent tout au long du récit, comme un petit feu qui finit par ronger les corps et les consumer. Alors que le film commence par la violence, on comprend qu’il n’y aura aucun répit. Daniel a 20 ans, incarné par Bartosz Bielenia complètement habité par le personnage et plein de charisme dans le regard, est un délinquant en centre de détention qui se découvre une vocation dans la spiritualité. À cause de ses crimes, il ne peut poursuivre son intérêt et son apprentissage dans la spiritualité. Pourtant, il sort tout de même du centre de détention, envoyé dans un village aux airs paisibles pour travailler dans une menuiserie.

Sauf qu’il n’y travaillera pas, et se fera passer pour un prêtre et dirigera la paroisse locale. Mais cela n’est pas la seule clé du récit, qui réserve de multiples arcs narratifs et mystères dans ce village. LA COMMUNION parle beaucoup de foi et de détermination, mais parle surtout de pardon et de tolérance. Arrivé dans un village très conservateur, la spiritualité de Daniel lui permet d’aborder sa vie avec une forme de rédemption, ce qui influe son comportement et son regard vis-à-vis de la communauté dans laquelle il s’est intégré. La force du film est là : un jeune criminel est amené à écouter les péchés de personnes et à les pardonner. Jan Komasa renverse donc la table : ceux qui jugent sont désormais jugés par ceux qui n’ont que l’infraction pour se sentir vivants. Même si on regrette quand même cette romance inutile et très prévisible, qui est une manière de connecter Daniel à la communauté assez superficielle.

Dans un tempo très contrôlé, très bien mesuré, Jan Komasa distille les informations de son récit petit à petit, comme des poupées russes. Il fait tomber les masques un à un, progressivement, même si la découverte de l’imposture de Daniel semble être finalement un passage obligé dans le récit, qui rend la fin assez bâclée et presque artificielle. En dehors de cela, le cinéaste n’hésite pas à intégrer de l’humour noir et de l’ironie partout dans son renversement de table. Son récit de rédemption se nourrit beaucoup de son discours anti conservatisme. Mais le long-métrage ne s’arrête pas à cette écriture de surface, car ce discours n’oppose jamais les personnages, ni même les idéologies. Il n’y a pas de Bien ou de Mal dans LA COMMUNION, au contraire : à travers la rédemption et l’ironie, Jan Komasa fait le portrait d’une société qui vit dans le fatalisme, dans l’accablement et dans l’abnégation. Que ce soit Daniel avec son étiquette éternelle de jeune criminel, ou avec cette communauté endeuillée et fermée sur elle-même, Jan Komasa les regarde avec beaucoup d’émotion et de compassion.

Dans sa mise en scène très accentuée sur le regard porté et sur le regard d’autrui, le film laisse penser que tout peut basculer à chaque instant, que la tension existe depuis si longtemps qu’elle peut faire imploser cette communauté. Grâce à cette tension permanente, Jan Komasa interroge constamment les attitudes des personnages grâce aux mystères des personnages, qui gardent des secrets au plus profond d’eux-mêmes. Une mise en scène des regards et des attitudes où la vie semble s’être arrêtée, livrée désormais à un quotidien commun fait d’amertume et d’insignifiance. À partir de là, LA COMMUNION montre comment la rédemption peut rapidement devenir une résurrection. C’est ce que Jan Komasa insuffle à sa mise en scène et à son esthétique, des tentatives (via la spiritualité, via le contournement des règles) de faire rebattre le cœur d’une communauté qui s’est figée dans le temps. Avec une photographie très marquée par des couleurs sombres, par une lumière froide, par un contraste assez âpre, LA COMMUNION est filmé comme un purgatoire dans lequel une petite lumière méfiante s’immisce.

Cette lumière méfiante est celle de l’arrivée, la présence et les attitudes dérangeantes de Daniel. Mais dans cette fascinante esthétique sombre, froide et rude, il y a quelque chose très saisissant qui entoure la mise en scène. Jan Komasa effectue un grand travail sur le silence, qui est la marque du mystère au sein de cette communauté, ainsi que la marque de l’imposture de Daniel. Mais avec un cadre souvent intrusif / curieux et qui s’attarde sur les visages, le long-métrage fait preuve d’un faux silence. Le silence dans le cadre et dans la mise en scène est en réalité très perturbant et angoissant, indiquant qu’il se cache des vérités troublantes au sein des comportements. LA COMMUNION est un film glaçant, troublant à chaque moment, qui n’a pas la moindre intention d’incriminer son protagoniste ou la communauté conservatrice du village. Un film qui montre beaucoup de compassion et de bienveillance dans l’accablement et la fatalité, pour essayer de retrouver l’envie de vivre dans une période obscure et cruelle.


LA COMMUNION
Réalisation Jan Komasa
Scénario Mateusz Pacewicz
Casting Bartosz Bielenia, Aleksandra Konieczna, Eliza Rycembel, Tomasz Zietek, Barbara Kurzaj, Leszek Lichota, Zdzislaw Wardejn, Lukasz Simlat
Pays Pologne
Distribution Bodega Films
Durée 1h55
Sortie 4 Mars 2020