Dans un article du mois d’Octobre, on parlait déjà du cinéma de Loïc Jouenne avec son parcours dans l’horreur. Il était question d’angoisse, d’absurdité, de réel qui traverse l’horreur, de fatalité, de fuite, de hors-champ, de huis-clos, de privation corporelle, de personnification de l’horreur. Plusieurs éléments reviennent dans LES MURMURES DU VENT, mais dans une intention de contrepoint face à tout ce qui a été proposé auparavant. Nous ne sommes plus dans l’horreur désormais, mais les quatre court-métrages de Loïc Jouenne tracent un seul et unique chemin. Ce dernier film (en date) semble reprendre là où MUFFIN s’est arrêté, avec la personnification de l’horreur. Plus important encore : NO MORE GRAVES n’avait pas montré le mal, apparu de façon abstraite (voire fantomatique) dans HULDRA, avant d’être personnifié et enfermé dans MUFFIN. Désormais, LES MURMURES DU VENT tend à ouvrir la voie à cette créature, à la libérer. Cette libération est le mariage ultime entre le vivant et l’horreur, entre le réel et le fantastique. Comme si la scène finale des MURMURES DU VENT serait une sorte de prequel à NO MORE GRAVES.
Les raisons sont multiples. Tout d’abord, l’angoisse et l’absurdité ne sont plus d’actualité. HULDRA et MUFFIN suffisent à explorer ces éléments. Ici, il s’agit de revenir sur une sorte d’ambiance à la NO MORE GRAVES. Tout est calme, posé, un quotidien suit son cours. Tel le quotidien chaotique de NO MORE GRAVES, mais sans le chaos. Sauf qu’ici, il est difficile de nuancer le réel du fantastique car certains éléments portent à confusion (un regard troublant vers la maison en champ/contre-champ, des passants qui regardent étrangèrement depuis leur voiture, une porte en bois pleine de mystère, une robe qui finit abandonnée, etc). La traversée n’est plus là, mais le réel semble être dans le hors-champ, dans un relief imaginaire. Comme si le réel est devenu l’élément étranger. Dans LES MURMURES DU VENT, le fantastique est l’ordinaire (voir les répliques de la protagoniste face à une photographie, sur la manière de parler d’elle).
La fuite face à l’horreur n’a plus lieu, LES MURMURES DU VENT propose son opposé. C’est-à-dire qu’il y a à nouveau le huis-clos, qui enferme toujours le mystère fantastique. Cependant, il n’est plus question de fuite, mais de libérer cet élément au monde extérieur. Donc, en quelque sorte, de laisser le fantastique envahir le réel en relief. C’est la mort du réel, grandement symbolisé par la vieillesse de l’humain, dans un espace figé par la présence du fantastique. Le temps s’arrête, tourne au ralenti, avant que le fantastique ne soit libéré. Une fois que la créature est lâchée, tout semble possible. Et si cette créature finissait par être la cause du monde vu dans NO MORE GRAVES ? Il y a notamment un même lien avec la nature : le frère et la soeur de NO MORE GRAVES la traversent, quand la protagoniste de LES MURMURES DU VENT y ressent la liberté et la vie (via une petite plante, et quelques plans captant le ciel et des feuilles d’arbres).
Mais cette nature, c’est aussi le caractère sauvage de la vie. Ainsi, cette créature libérée, est le morceau de vie qui finit par manquer à la protagoniste. La personnification du fantastique est logique, dans le sens où ce que représente cette créature est le traitement qu’elle a reçu depuis sa naissance. Isolée, enfermée, cachée, etc. Mais la mort de l’un va de paire avec la libération de l’autre. Il serait possible de voir LES MURMURES DU VENT sous plusieurs angles : et pourquoi pas celui de la violence humaine, celui où l’être humain retourne dans son état sauvage en pleine nature, celui de la jeunesse torturée et différenciée car son éducation fut restrictive. Les pistes sont nombreuses, mais une chose est certaine : LES MURMURES DU VENT poursuit ce ton inquiétant face à l’inconnu, qu’il soit horrifique / fantastique / intimiste.
NO MORE GRAVES de Loïc Jouenne.
Avec Dominique Gropper, Caroline Fauvel.
France / 13 minutes / 2017.