C’est bientôt la fin de cette édition pour nous : il s’agit de l’avant-dernier journal de bord. Pour vous dire à quel point le festival nous manque physiquement, il faut parler de la convivialité qui règne aux Arcs. Non pas nécessairement en mentionnant les soirées qui s’y déroulent, qu’elles soient officielles ou dans les appartements. Mais en adressant un clin d’oeil à chaque personne rencontrée grâce à ce festival. Que tu sois journaliste, attachée de presse, réalisateur, acteur/actrice, exploitant, distributrice, c’est un immense plaisir de te connaître. Pas question de citer des noms, mais les personnes concernées se reconnaîtront facilement. Que ce soit en ayant eu l’aimable gentillesse d’expliquer comment s’organiser et se repérer au sein du festival, que ce soit en accordant une accréditation chaque année, que ce soit en arrangeant des interviews, que ce soit en demandant des articles (le rythme est tenu à fond cette année, un miracle), que ce soit en passant du temps à papoter, que ce soit en passant des soirées ensemble, que ce soit un échange incroyable pour parler d’un futur line-up, que ce soit des habitudes liées au Sommet, et la liste est encore longue, il faut le dire : MERCI. Et cœur sur vous. Parce que les Arcs Film Festival, c’est aussi une histoire de rencontres marquantes.
Les films vus
C’est tout pour les violons. Passons aux films visionnés en cette septième journée. Nous avons commencé par LA TERRE DES HOMMES de Naël Marandin. C’est l’histoire de Constance, fille d’agriculteur. Suite à la liquidation financière que son père subit, elle souhaite reprendre l’exploitation avec son fiancé. Pour sauver l’exploitation de la faillite et construire un nouveau projet, elle reçoit le soutien d’un grand exploitant. Sauf que ce soutien n’est pas désintéressé. Par où commencer avec la lourder de ce long-métrage, qui manque terriblement de subtilité. Vous voyez les films où tout est servi sur un plateau et vous ne devenez que de simples spectateurs ? En voici un exemple parfait. Regardez l’esthétique formatée par la dramaturgie toute programmée, et ne prenez jamais part à aucune vision. Sans même chercher à interpeller, le film se résume à dénoncer la violence et avoir pitié pour la protagoniste. Évidemment que tout ce que subit Constance est scandaleux, mais la noirceur du film est tellement timide que ce sont les gros sabots qui sont mis en valeur. Malgré cela, Naël Marandin adopte une mise en scène très sobre, qui vise la justesse des émotions dans chaque séquence (et c’est plutôt réussi). Constance est presque le seul personnage féminin du film, mais c’est surtout le seul qui montre des ambitions, qui sont constamment anéanties par l’ultra-présence des hommes. Le soucis est que cette oppression permanente de la part des personnages masculins ne trouve qu’une forme dans quelques scènes vers la fin du film, quand un scandale a éclaté… La faute à cet horizon rêvé des paysages qui n’est jamais vraiment exploité. À force de cloisonner les enjeux dans les intérieurs, l’espace extérieur (qui est pourtant au cœur des préoccupations de Constance) n’est plus qu’une contemplation. Et c’est bien dommage.
Nous avons également vu le film SPUTNIK de Egor Abramenko. Un film de science-fiction où un cosmonaute rentre de mission et s’attend à rentrer chez lui comme un héros, mais il est l’unique rescapé de l’accident de son vaisseau. Sauf qu’il ne semble pas être revenu tout seul, car le directeur d’un centre de recherche (aux apparences militaires) soupçonne l’existence d’une créature extraterrestre. En effet, ils découvriront qu’une créature vit à l’intérieur de son corps et s’en échappe chaque nuit. En intégrant une docteur en psychiatrie au milieu de toutes ces recherches, Egor Abramenko nuance son film de science-fiction, pour y intégrer une partie thriller. Le film alterne alors entre la décomposition d’une affaire troublante (la psychologie, les secrets, les affects, etc) et la fascination pour tout ce qui relève du fantastique. Même dans la photographie, le film est un savoureux mélange entre obscurité angoissante et une lumière presque spirituelle, voire sensorielle. Une manière de pouvoir trouver de la sensibilité au sein de ce récit de science-fiction, de pouvoir facilement retourner à des approches humaines après avoir révélé un mystère appartenant à la science-fiction. À tel point que la mise en scène n’hésite jamais à être crue (le film est interdit aux moins de 16 ans). Même si Egor Abramenko a tendance à brasser trop de thèmes et de tons différents, il y a une atmosphère incisive qui pousse à la vraie expérience de scènes assez agressives visuellement. Une façon de créer un croisement entre le côté sombre de chaque personnage, pour interroger la dépossession de l’âme entre la science-fiction et le film politique. Bien que la fin sorte de nulle part et se révèle très bâclée, le côté sec et frontal du long-métrage fait vibrer.
Enfin, nous avons terminé les visionnages avec SCHOOLGIRLS de Pilar Palomero. Il s’agit de Celia, 11 ans, qui étudie dans une école religieuse et vit avec sa mère célibataire. Celia va faire la rencontre d’une nouvelle elève, qui la pousse inconsciemment vers une nouvelle étape de sa vie : l’arrivée de l’adolescence. C’est donc le récit d’un passage, d’une nouvelle iniation. Devenant adolescente, Celia prend donc goût différemment à la vie, et le long-métrage le capte avec des moments volatifs et éphémères. Ces instants qui permettent de rêver d’une liberté féminine, d’une découverte de son corps, d’un échappatoire au réel, d’un imaginaire sur l’avenir. Des moments volatils qui s’insèrent entre les bribes du réel, dans la monotonie pas très joyeuse du quotidien. Sans jamais opposer le réel à l’imaginaire de Celia, Pilar Palomero montre justement que ces instants d’échappées font partie du passage à l’adolescence. C’est alors l’innocence qui disparaît petit à petit, passant de l’admiration à l’acte. Entre ces moments d’imaginaire, Celia est submergée par l’abattement avec une mise en scène plus modeste : moins d’énergie, davantage de mélancolie pour un côté introspectif avec la caméra. Cet imaginaire serait alors une échappée face à une blessure qui se révèle petit à petit, mais la force du film est de laisser le temps à Celia de pouvoir y faire face. Même si le drame familial arrive très soudainement, changeant complètement le film de direction, il s’agit d’un très beau portrait d’une jeunesse qui se cherche et s’invente en devant gérer ses blessures.
Un festival, c’est aussi un palmarès
Que ce serait une compétition sans palmarès, sans les prix ? Les deux jurys, le public, le jury jeune ont dévoilés leurs choix dans une jolie cérémonie de remise des prix. Mention à la très drôle Allison Chassagne, aux côtés de Claude Duty pour l’animation de cette cérémonie. Trêve de blabla, voici le palmarès complet, en révélant le meilleur pour la fin :
Prix Cinéma et Engagement Environnemental : I AM GRETA de Nathan Grossman,
Prix Sisley – Lab Femmes de Cinéma pour la cinéaste Agnieszka Holland,
Mention spéciale du Jury Court-Métrages : DUSTIN de Naïla Guiguet,
Grand Prix du Jury Court-Métrages : SHERBET de Nikola Stojanovic,
Prix Cineuropa (long-métrages) : SHORTA de Anders Ølholm et Frederik Louis Hviid,
Prix du Jury Jeune (long-métrages) : APPLES de Christos Nikou,
Prix du Public (long-métrages) : QUO VADIS, AIDA ? de Jasmila Zbanic,
Prix de la Meilleure Photographie (long-métrages) : L’AFFAIRE COLLECTIVE de Alexander Nanau,
Prix de la Meilleure Musique Originale (long-métrages) : Chris Roe pour AFTER LOVE de Aleem Khan,
Prix d’Interprétation collectif pour la famille de LAST DAYS OF SPRING de Isabel Lamberti,
Prix d’Interprétation pour Natasa Stork dans PREPARATIONS TO BE TOGETHER FOR AN UNKNOWN PERIOD OF TIME de Lili Horvat,
Grand Prix du Jury Long-Métrages : THE WHALER BOY de Philipp Yuryev,
Flèche de Cristal : QUO VADIS, AIDA ? de Jasmila Zbanic.
Nous arrivons presque à la fin. Pour notre dernière journée, nous allons découvrir une poignée de court-métrages, mais aussi deux autres long-métrages. Puis, nous fairons un résumé sélectif de la rencontre entre les Centres Nationaux de Cinéma Européens. Mais surtout, avant que tout cela n’arrive dans nos colonnes, n’oubliez pas que des performances musicales ont été enregistrées et publiées sur les réseaux sociaux du festival. On peut y retrouver Pi Ja Ma, Stéfi Celma puis François & the Atlas Mountains. De quoi continuer à garder l’esprit des Arcs, malgré la fin de la compétition. Profitez bien de ces bons petits moments de douceur musicales, et bon festival à tou-te-s !